Au second étage de la tour, une chambre aux parois feutrées, éclairée de petites fenêtres… C’est là que l’inventeur, le Chanoine Maisonnave a installé son système ; c’est de là que partent les transmissions qui actionnent marteaux et battants.
En 1894, quand Mgr Delannoy voulut réaliser, au sanctuaire de Buglose, le carillon de ses rêves, il s’ouvrit de son dessein au professeur de mathématiques du Petit Séminaire, et lui demanda de chercher un procédé qui permît de manœuvrer facilement l’installation projetée.
On sait que la plupart des carillons de Belgique et du Nord de la France sont actionnés par un clavier à touches de bois dites « coups de poing » ou « manches de brouette », reliés directement aux battants au moyens de câbles et de fils de fer. L’avantage que présente ce système — mais il est de taille — c’est de permettre à l’artiste toute la gamme des nuances, depuis le pianissimo jusqu’au fortissimo, exactement comme sur un piano. Entre la cloche et lui, pas d’autre intermédiaire que le fil de commande qu’il peut tirer plus ou moins fort, au moyen de la touche du clavier. Par contre, l’effort musculaire exigé est si considérable que les gouttes de sueur perlent au front de l’exécutant. D’ailleurs, ne s’improvise pas carillonneur qui veut. Il y faut toute une formation que l’on reçoit dans des écoles particulières auprès de maîtres spécialisés.
Si le carillon de Buglose demande une certaine adaptation de la part de l’artiste qui le touche, il s’accommode toutefois d’une science pianistique très ordinaire qui le met à la portée de tous les familiers du clavier.
Mais revenons à notre abbé. Moins de huit jours après la démarche de son évêque, il vient le prévenir qu’il a trouvé et il se met à œuvre. Après bien des allées et venues entre le séminaire et la forge voisine, la machine voyait le jour. Très vite elle allait connaître le succès. L’inauguration de 1895 fut son premier triomphe, précédant de quelques années les honneurs de l’Exposition Universelle de Paris en 1900. Sans tâtonnements, l’essai avait atteint la perfection. Depuis la mise en place dans la tour, aucune modification n’a été apportée à la mécanique. Seul, un modèle à cadre de fer a remplacé celui à cadre de bois. Depuis un siècle, le carillonneur s’assied devant le même clavier ; sans la moindre peine, avec l’aisance du pianiste sur son instrument, ses doigts enfoncent les touches d’ivoire ; les leviers commandés par elles déclenchent un ressort qui jette, à son tour, le marteau contre la cloche. Alors paraît l’ingénieux du système : le battant n’a pas plutôt frappé le bronze qu’il est ramené, instantanément, à sa première place, grâce à une application du principe des plans inclinés et à la force conjuguée d’une puissante roue dentée.
Et la sensibilité de la transmission est telle que la mélodie peut recevoir ici, un accompagnement et se prêter, dans ses variations infinies, à toutes les fantaisies d’un virtuose. Que nous voilà loin de la gymnastique épuisante des bras et des jambes sur les touches de bois !